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Dans le « off », à Avignon, jouer quitte à perdre de l’argent

En jouant dans le Festival « off » d’Avignon, la quasi-totalité des compagnies perdent leur mise. Et pourtant, chaque année elles se précipitent par centaines dans l’espoir d’être repérées par des programmateurs influents qui leur traceront de brillantes destinées. En 2024, les 1 316 compagnies qui se disputent âprement les faveurs du public proposent 1 666 spectacles, tous genres confondus.
Une offre un peu plus étoffée qu’en 2023, mais à peu près autant de levers de rideaux quotidiens, puisque certaines compagnies jouent moins longtemps, précise Harold David, coprésident d’Avignon Festival et Compagnies. La manifestation pâtit cet été d’un calendrier abrégé par les Jeux olympiques et paralympiques (le « off » sera clos le 21 juillet, au lieu de fin juillet). Le démarrage s’est avéré erratique : seuls 40 % des spectacles ont commencé le 29 juin et la totalité de l’offre n’a été accessible que le 3 juillet. Ce qui a perturbé les habitués et raréfié le public. D’autant plus que les amateurs de théâtre ont tardé à venir en raison des élections législatives, les 30 juin et 7 juillet.
Pour faire face aux dix premiers jours catastrophiques en matière d’audience, Fabrice Roux, président de La Scène indépendante (syndicat national des entrepreneurs de spectacles), a demandé au ministère de la culture, puis à l’Elysée, une aide exceptionnelle de 3,5 millions d’euros, qui correspond au prix de 30 % de la billetterie des dix premiers jours. En vain.
C’est peu dire que la compétition entre compagnies, cette année plus ramassée dans le temps que d’habitude, se révèle d’une violence inouïe. Comment exister dans un tel tsunami d’offres ? Certains profils brillent par leur aspect atypique. Jean-Michel Rallet, cocréateur d’un fonds de capital-investissement, remercié par ses trois associés, pourtant « des amis de trente ans », a radicalement changé de vie. Il s’est lancé « par catharsis », dit-il, dans l’écriture de sketchs pour devenir humoriste.
En 2023, il a rodé sa pièce Changement de vie involontaire, qu’il joue à 19 heures dans une petite salle de 56 fauteuils, le BA. « Je ne voulais pas mourir en étant le plus riche du cimetière », assure ce financier reconverti à 50 ans, désormais seul en scène, qui arpente chaque jour les rues d’Avignon pour « tracter », distribuer ses prospectus. Et tenter d’attirer le chaland, le sport national du « off ».
La location de la salle lui coûte 7 200 euros (le prix moyen de location s’élève à 100 euros hors taxe pour un fauteuil), son logement, bien situé, plus de 3 000 euros. Des frais auxquels s’ajoute le coût du régisseur, de l’inscription au festival, des affiches, de la communication… Au total, jouer lui revient à près de 15 000 euros. « Pour être à l’équilibre, la salle devrait être remplie tous les soirs à 80 %, c’est impossible », dit-il. En 2023, il a perdu 10 000 euros. « Je jouais à un mauvais horaire, à 13 heures, et personne ne va louper un déjeuner pour moi », admet-il.
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